- 8 avril 2020
- Catégorie : Mutation policiers
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
N° 1717655/5-1 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
- L D AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Laforêt Rapporteur
Buron Rapporteur public
Le tribunal administratif de Paris (5ëme Section – 1ère Chambre)
Audience du 12 mars 2020
Jugement rendu public le 3 avril 2020
36-05-01-02
C
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2017 et le 7 juin 2019, LD représenté par le cabinet d’avocats Arents-Trennec demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle sa demande de mutation à La Réunion a été rejetée;
2°) d’annuler les décisions prononçant la mutation à La Réunion de Mme G, M. R, M. J M, M, T P, M.T, M. L U, M. F P, M. H Q, M. J C, M. FO, M. J B, M. S T et Mme A T ;
3°) d’annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux qu’il a formé contre le refus de l’ affecter à la Réunion et contre les mutations citées ci-dessus ;
4°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de prononcer son affectation à La Réunion dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
les décisions de mutation des agents cités ci-dessus sont entachées d’incompétence; elles sont illégales en ce qu’elles ne comportent ni la signature, ni les nom et prénom de leur auteur ;
les décisions contestées sont entachées d’un vice de procédure en ce que la composition de la commission administrative paritaire était irrégulière au regard de l’article 35 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982;
la commission administrative paritaire nationale du 28 juin 2017 n’a émis aucun avis sur les mutations concernées ;
les candidats ont été classés par ordre alphabétique sur le tableau présenté à la commission administrative paritaire alors que l’article 60 de la loi n° 84-16 prévoit qu’ils le soient selon les critères de priorité;
les décisions contestées sont entachées d’erreur de droit au motif que le nouveau critère de l’ordre prioritaire des vœux n’a pas été publié et était inopposable aux fonctionnaires ;
ces décisions méconnaissent l’instruction du 21 avril 2017 selon laquelle le barème de points doit être privilégié ;
il était prioritaire pour être affecté à la Réunion compte tenu du fait que le centre de ses intérêts matériels et moraux se situe dans cette collectivité ;
ces décisions sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation et ont été prises en violation du principe d’égalité devant la loi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, M. A T demande au tribunal de rejeter les conclusions tendant à l’annulation de sa mutation.
Il soutient avoir été muté à titre dérogatoire et non dans le cadre du mouvement polyvalent 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu:
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16du 11 janvier 1984 ;
- l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment ses articles 11 et 12;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique, tenue en présence de Mme Lagrède, greffière d’audience :
- le rapport de Mme Laforêt, rapporteur,
- et les conclusions de Buron, rapporteur public .
Considérant ce qui suit:
L D, gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité publique de C, a sollicité sa mutation à La Réunion lors du mouvement polyvalent de 2017. Il n’ a pas été fait droit à sa demande. Par la présente requête, il doit être regardé comme demandant au tribunal l’annulation du refus de mutation qui lui a été opposé mais également des mutations de Mme G, M. R, M. J M, M, T P, M.T, M. L U, M. F P, M. H Q, M. J C, M. FO, M. J B, M. S T et Mme A T lesquels ont obtenu l’affectation qu’ il espérait.
Sur les conclusions à fin d‘ annulation :
- Aux temes du quatrième alinéa de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au litige : « L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaire (. ..) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9, ° 10° et 11° de l’article 5212-13 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ainsi qu’aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu’en Nouvelle-Calé ( …). ».
- Les critères supplémentaires que l’autorité administrative est habilitée à établir à titre subsidiaire en application de l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, en vue du classement préalable des demandes de mutation, ont pour objet de permettre le départage de demandes ayant obtenu un classement identique par application d’une ou plusieurs priorités de mutation fixées par le quatrième alinéa de ce même article, ainsi que le classement des demandes émanant d’agents ne pouvant se prévaloir d’aucune de ces priorités. Toutefois, dans ce dernier cas, en raison du caractère subsidiaire de ces critères supplémentaires, l’autorité administrative ne saurait légalement prévoir un système de cumul des points ayant pour effet que les demandes de ces agents précèdent, dans le classement établi en vue de l’examen des demandes de mutation, celles des agents relevant d’au moins l’une des priorités définies au quatrième alinéa de l’article 60.
M D soutient que son profil était meilleur que ceux de de Mme G, M. R, M. J M, M, T P, M.T, M. L U, M. F P, M. H Q, M. J C, M. FO, M. J B, M. S T et Mme A T qui ont été mutés à La Réunion. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que le requérant détenait une priorité légale tenant au fait que le centre de ses intérêts matériels et moraux se situe dans ce département d’outre-mer. En défense, le ministre de l’intérieur se borne à souligner que le requérant a obtenu la note de 4/7 durant les trois années précédant le mouvement de mutation 2017 sans apporter aucune précision ou justification sur les raisons pour lesquelles les personnes mises en cause par le requérant ont été mutées avant lui à La Réunion. Dans ces conditions, le ministre de l’ intérieur a commis une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, la décision portant refus de mutation ainsi que les décisions portant mutation des agents cités ci-dessus doivent être annulées.
Si M. D fait également valoir qu’il détenait un meilleur profil que M. TP et M.T, il ressort toutefois des pièces du dossier et en particulier du tableau présenté devant la commission administrative paritaire nationale du 28 juin 2017 que ces derniers ont obtenu une affectation à La Réunion à titre dérogatoire. Dès lors, M. D ne saurait utilement comparer leurs candidatures. Les conclusions tendant à l’annulation des mutations de M.TP et de M.T doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’injonction:
- Eu égard à son motif d’annulation, le présent jugement implique nécessairement, sous réserve de changement de circonstances de droit ou de fait, que le ministre de l’intérieur procède à la mutation de M. D à La Réunion, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article 761-1 du code de justice administrative
DECIDE:
Article 1er : La décision par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de muterM. D à La Réunion est annulée.
Article 2 : Les décisions portant mutation de de Mme G, M. R, M. J M, M, T P, M.T, M. L U, M. F P, M. H Q, M. J C, M. FO, M. J B, M. S T et Mme A T sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de procéder à la mutation de M D dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 4: L’Etat versera à M. D la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M.D au ministre de l’ intérieur, à Mme G, M. R, M. J M, M, T P, M.T, M. L U, M. F P, M. H Q, M. J C, M. FO, M. J B, M. S T et Mme A T.
Délibéré après l’audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient:
Monsieur Mendras, président,
Mme Laforêt, premier conseiller,
Monsieur Schaeffer, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2020.
Le président,