Les décisions de mutation non signées et arguées d’incompétence sont annulées par le juge administratif

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

 

N° 1717919/5-1

 FH

Mme Marchand Rapporteur

Buron Rapporteur public

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 Le tribunal administratif de Paris (5ème Section – 1ère Chambre)

Audience du 12 décembre 2019

Lecture du 9 janvier 2020

36-05-01-02

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 novembre 2017 et le 7 juin 2019,

  1. F H, représenté par le cabinet Arents, Trennec (SCP), demande au tribunal :

 

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté sa demande de mutation à La Réunion au titre de l’année 2017, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;

2°) d’annuler les décisions portant nomination de M. O L,  M. T A, Mme A D, Mme C T P, M. O F, M. R V, M. J L C et M. D ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de lui accorder sa mutation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article 761-1 du code de justice

Il soutient que :

Sur les décisions rejetant la demande de mutation de M. H :

  • elles sont entachées d’un vice de procédure en ce que la composition de la commission administrative paritaire était irrégulière ;
  • elles sont entachées d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation ;
  • elles méconnaissent le principe d’égalité de traitement entre

Sur les décisions portant mutation :

  • elles sont entachées de défaut de signature et d’incompétence de l’auteur de l’acte ;
  • elles sont entachées de plusieurs vices de procédure en ce que la commission administrative paritaire n’a émis aucun avis sur les mutations et que les candidats ont été classés par ordre alphabétique et non par ordre de mérite ;
  • elles sont entachées d’un défaut d’examen sérieux ;
  • les décisions contestées sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2019, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

  • le code des relations entre le public et l’administration ;
  • la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
  • le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
  • le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
  • le code de justice

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de Mme Marchand,
  • et les conclusions de M. Buron, rapporteur

Considérant ce qui suit :

 

  1. H gardien de la paix, affecté à la direction de la police aux frontières à Roissy depuis le 1er mars 2004, a sollicité sa mutation à La Réunion au titre du mouvement de mutation de l’année 2017. Par la présente requête, M. H demande l’annulation des décisions par lesquelles le ministre de l’intérieur a refusé de faire droit à ses vœux de mutation et a rejeté son recours gracieux, ainsi que l’annulation des mutations des agents affectés sur les postes auxquels il avait postulé.

 

Sur les conclusions à fin d’annulation :

 

En ce qui concerne les décisions portant rejet de la demande de mutation de

  1. H :

 

  1. Aux termes de l’article 60 de la loi de 1984, dans sa version applicable au litige :

« L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. (…) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts (…) , ainsi qu’aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie. / Dans les administrations ou services mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l’autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l’aide d’un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l’examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l’autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d’appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire (…). ».

 

  1. Lorsque dans le cadre d’un mouvement de mutation un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l’administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d’une part, de l’intérêt du service, et d’autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions citées ci-dessus de l’article 60 de la loi du 11 janvier

 

  1. Il ressort des pièces du dossier que M. V célibataire avec un enfant mineur, affecté au même service que M. H, a été muté sur le poste sollicité alors que son ancienneté dans le poste et dans le service sont inférieures à celles du requérant qui est marié avec trois enfants dont un mineur. Par suite, le ministre de l’intérieur, qui ne fait valoir aucun motif tiré de l’intérêt du service justifiant cette mutation, a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

 

  1. Il résulte de ce qui précède, que M. H est fondé à demander l’annulation de la décision lui refusant sa mutation à La Réunion.

 

En  ce  qui  concerne  les  arrêtés  de  mutation  de : M. O L,  M. T A, Mme A D, Mme C T P, M. O F, M. R V, M. J L C et M. D

 

  1. M. H soutient que les arrêtés portant mutation de M. O L, M. T A, Mme A D, Mme C T P, M. O F, M. R V, M. J L C et M. D sont entachés d’un défaut de signature et d’incompétence de l’auteur de l’acte. Le tribunal a demandé au ministre de l’intérieur par mesure d’instruction du 3 décembre 2019 de verser au dossier les arrêtés en litige. Cette demande est restée sans réponse. Ainsi, et alors que ces arrêtés sont nominatifs et non publiés, faute pour l’administration de justifier auprès du tribunal la signature de l’acte et la compétence de l’auteur, les décisions attaquées doivent être regardées comme entachées d’un défaut de signature et d’incompétence.

 

  1. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que les décisions portant mutation de M. O L, M. T A, Mme A D, Mme C T P, M. O F, M. R V, M. J L C et M. D doivent être annulées.

 

Sur les conclusions à fin d’injonction :

 

  1. Eu égard à son motif d’annulation, le présent jugement implique nécessairement, sous réserve de changement de circonstances de droit ou de fait, que le ministre de l’intérieur procède à la mutation de M. H à La Réunion, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

 

Sur les frais liés au litige :

 

  1. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice

D E C I D E :

Article 1er : La décision par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de muter H à La Réunion est annulée.

Article  2 :  Les  décisions   portant   mutation   de    M. O L,  M. T A, Mme A D, Mme C T P, M. O F, M. R V, M. J L C et M. D sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de procéder à la mutation de Hoarau dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 4 : L’Etat versera à M. H la somme de 1 500 euros au titre de l’article 761-1 du code de justice

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. F, au ministre de l’intérieur, .

 

Délibéré après l’audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

 

  1. Meslay, président, Mme Marchand, conseiller,
  2. Schaeffer, conseiller,

 

 

Lu en audience publique le 9 janvier 2020.

 

 

 

 

Le rapporteur,

 

 

 

 

  1. Marchand

Le président,

 

 

 

 

  1. Meslay

 

 

 

 

Le greffier,

 

 

 

 

  1. Lagrède

 

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.